Il signor de La Harpe (*), alla
fine del Direttorio, ebbe a ricordare un pranzo avvenuto solo otto anni prima. Il racconto che segue è molto celebre in Francia e un tempo – non so ora – trovava posto nelle antologie di letteratura in una versione leggermente diversa e più lunga, alla quale seguiva una nota sul testamento di La Harpe in cui il vecchio ateo si professava credente e cattolico e rinnegava tutto ciò che aveva scritto precedentemente contro la Chiesa e la religione. Questa notizia la do per completezza e scrupolo, precisando che il testamento era una coda presente solo nelle antologie in uso, nel cosiddetto buon tempo antico, nei licei cattolici.
*
«Il me semble, dit-il, que c’était
hier, et c’était cependant au commencement de 1788. Nous étions à table chez un
de nos confrères à l’Académie, grand seigneur et homme d’esprit. La compagnie
était nombreuse et de tout état, gens de cour, gens de robe, gens de lettres,
académiciens; on avait fait grand’chère comme de coutume. Au dessert, les vins
de Malvoisie et de Constance ajoutaient à la gaieté de bonne compagnie cette
sorte de liberté qui n’en gardait pas toujours le ton. On en était alors venu
dans le monde au point où tout est permis pour faire rire. Chamfort nous avait
lu ses contes impies et libertins, et les grandes dames avaient écouté sans
avoir même recours à l’éventail.
De là un déluge de plaisanteries
sur la religion; l’un citait une tirade de la Pucelle; l’autre rapportait
certains vers philosophiques de Diderot .... Et d’applaudir .... La
conversation devient plus sérieuse; on se répand en admiration sur la
révolution qu’avait faite Voltaire, et l’on convient que c’était là le premier
titre de sa gloire. «Il a donné le ton à son siècle, et s’est fait lire dans
l’antichambre comme dans le salon». Un des convives nous raconta, en pouffant
de rire, qu’un coiffeur lui avait dit, tout en le poudrant: «Voyez-vous,
monsieur, quoique je ne sois qu’un misérable carabin, je n’ai pas plus de
religion qu’un autre». – On conclut que la révolution ne tardera pas à se consommer,
qu’il faut absolument que la superstition et le fanatisme fassent place à la
philosophie, en l’on en est à calculer la probabilitè de l’époque et quels
seront ceux de la société qui verront le règne de la raison. – Les plus vieux
se plaignaient de ne pouvoir s’en flatter; les jeunes se réjouissaient d’en
avoir une espérance très vraisemblable, et l’on félicitaint surtout l’Académie
d’avoir préparé le grand œvre été le chef lieu, le centre, le mobile de la
liberté de penser.
Un seul des convives n’avait
point pris de part à toute la joie de cette conversation: c’était Cazotte,
homme aimable et original, mais malheureusement infatué des rêveries des
illuminés. Il prend la parole et, du ton le plus sérieux: « Messieurs, dit-il,
soyez satisfaits; vous verrez tous cette grande révolution que vous désirez
tant. Vous savez que je suis un peu prophète, je vous le répète, vous la verrez
... Savez-vous ce qui arrivera de cette révolution, ce qui en arrivera pour
vous tous tant que vous êtes ici? – Ah! voyons, dit Condorcet avec son air et
son rire sournois et niais, un philosophe n’est pas fâché de rencontrer un
prophète. — Vous, monsieur de Condorcet, vous expirerez étendu sur le pavé d’un
cachot, vous mourrez du poison que vous aurez pris pour vous dérober au
bourreau, du poison que le bonheur de ce temps-là vous forcera à porter
toujours sur vous ». Grand étonnement d’abord, puis l’on rit de plus belle.
Qu’est-ce que tout cela peut avoir de commun avec la philosophie et le règne de
la raison? «C’est précisément ce que je vous dis: c’est au nom de la
philosophie, de l’humanité, de la liberté, c’est sous le règne de la raison
qu’il vous arrivera de finir ainsi; et ce sera bien le règne de la raison, car
elle aura des temples, et même il n’y aura plus dans toute la France, en ce
temps-là, que des temples de la raison. Vous, monsieur de Chamfort, vous
vous couperez les veines de vingt-deux coups de rasoir, et pourtant vous n’en
mourrez que quelques mois après. Vous, monsieur Vicq-d’Azyr, vous ne vous
ouvrirez pas les veines vous-même, mais vous les ferez ouvrir six fois dans un
jour, au milieu d’un accès de goutte, pour être plus sûr de votre fait, et vous
mourrez dans la nuit. Vous, monsieur de Nicolaï, sur l’échafaud; vous, monsieur
Bailly, sur l’échafaud; vous, monsieur de Malesherbes, sur l’échafaud; ...
vous, monsieur Roucher, aussi sur l’échafaud. – Mais nous serons donc subjugués
par les Turcs et les Tartares? – Point du tout; je vous l’ai dit, vous serez
alors gouvernés par la seule philosophie et par la seule raison. Ceux qui vous
traiteront ainsi seront tous des philosophes, auront à tout moment à la bouche
les phrases que vous débitez depuis une heure, répéteront toutes vos maximes,
citeront comme vous les vers de Diderot et de la Pucelle. – Et quand tout cela
n’arrivera-t-il? – Six ans ne se passeront pas que tout ce que je vous dis ne
soit accompli. – Voilà bien des miracles, dit La Harpe, et vous ne m’y mettez
pour rien. – Vous y serez pour un miracle tout au moins aussi extraordinaire;
vous serez alors chrétien. – Ah! reprit Chamfort, je suis rassuré; si nous ne
devons mourir que quand La Harpe sera chrétien, nous sommes immortels. – Pour
ça, dit alors la duchesse de Gramont, nous sommes bien heureuses, nous autres
femmes, de n’être pour rien dans les révolutions. Il est reçu qu’on ne s’en
prend pas à nous et notre sexe ... – Votre sexe, mesdames, ne vous en défendra
pas cette fois ... Vous serez traitées tout comme les hommes, sans aucune
différence quelconque ... Vous, madame la duchesse, vous serez conduite à
l’échafaud, vous et beaucoup d’autres dames avec vous, dans la charrette et les
mains liées derrière le dos. – Ah! j’espère que dans ce cas-là j’aurai du moins
un carrosse drapé de drap noir. – Non, madame, de plus grandes dames que vous
iront comme vous en charrette et les mains liées comme vous. – De plus grandes
dames! Quoi! les princesses du sang? – De plus grandes dames encore ... – On
commençait à trouver que la plaisanterie était forte. Madame de Gramont, pour
dissiper le nuage, n’insista pas sur cette dernière réponse et se contenta de
dire de son ton le plus léger: «Vous verrez qu’il ne me laissera seulement pas
un confesseur». – Non, madame, vous n’en aurez pas, ni vous, ni personne; le
dernier supplicié qui en aura un par grâce, sera .... Il s’arrêta un moment: «Eh bien, quel est donc l’heureux mortel qui aura cette prérogative? – C’est la
seule qui lui restera, et ce sera le roi de France».
(*) Jean François La Harpe (o de
Harpe o Delaharpe) naque a Parigi, 20 novembre 1739, nella parrocchia di
Saint-Nicolas du Chardonnet, figlio di Jean François de La Harpe e Marie Louise
Devienne. Fu direttore del Journal de politique et de littérature (1774-’78).
Dopo il suicidio della prima moglie (1794), risposò (1797) con Catherine Louise
Hatte di Longerue, ventitré anni, dalla quale chiese il divorzio dopo tre
settimane. Morì a Parigi dopo una lunga malattia l'11 febbraio 1803.
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